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// Dispositifs

Extrait du catalogue Tout est si simple, ed. ESACM, 2010

 

Entretien avec Martial Déflacieux

 

Après avoir réalisé un travail plutôt sculptural, tu sembles te tourner plus vers la vidéo?

 

Effectivement, mes dernières réalisations comme mes futurs projets semblent s'orienter davantage vers la vidéo. Pourtant il ne s'agit pas d'un passage radical d'un médium vers un autre, j'envisage mes pièces en résonance les unes aux autres, et recherche la forme la plus adaptée aux notions que je souhaite aborder. Il me semble que mes vidéos rendent compte de mon rapport à la sculpture, comme mes créations en volume, d'un lien fort à la narration, à la fiction. Je pense qu'une recherche plastique se construit autour de différents temps de création, pour moi, elle est rythmée par le travail en atelier d'un part, mais également par un temps de recherche et de création d'images dans des contextes spécifiques, et plus récemment par un temps d'écriture, de scénarisation. L'évolution de mes travaux semble se dessiner à travers Slab, un dispositif où le volume, un flotteur, constitue à la fois une identité sculpturale et un support de projection

 

Ce flotteur tout en étant formellement intéressant déclenche différentes possibilités narratives...

 

C'est autant l'aspect formel que la rencontre avec l'objet qui m'ont séduite. D'une part, un volume épuré, minimal, qui recense mon intérêt pour le moulage et où la notion de poids, d'équilibre est toute particulière; et d'autre part, la découverte de ce flotteur éventré, échoué sur une rive près du Centre d'art de l'île de Vassivière. La narration s'amorce déjà... Puis c'est toute la symbolique du flotteur qui émerge: le seul point d'ancrage auquel se raccrocher face à l'immensité, une face en immersion comme un iceberg, l'état actuel d'urgence lié aux éléments; mais aussi la représentation de l'aquatique, thème récurrent dans ma recherche, oscillant entre angoisses et doux souvenirs de vacances. A la vue de ce flotteur, je songe au K de Dino Buzzati, à Hitchcock, à un film de série B comme Orca, plus sérieusement à Moby Dick, ou à des anecdotes personnelles. Il existe bien «différentes possibilités narratives», c'est pourquoi le dispositif Slab n'impose pas une une histoire mais propose des bribes de narration par des apparitions alternatives d'images et d'éclairages.

 

… avec une certaine disposition à la mélancolie...

 

Je pense qu'une forme de mélancolie se ressent dans l'ensemble de ma recherche. Dans Slab, c'est à travers la situation d'échec dans laquelle se trouve le flotteur, asséché, abandonné et inutile; dans d'autres pièces comme Les Veuves, modules noirs en céramique, ou Squale, flaque noire qui s'étend au sol, c'est l'étymologie même de mélancolie qui ressurgit: la «bile noire». Mais pour moi là où le sentiment de mélancolie est le plus fort, c'est face à Polyphon: l'ombre d'une éolienne apparaît comme des pas de géant sur une mélodie de boîte à musique qui parfois s'enraye.

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